12 décembre 1790.
Aujourd'hui 12° du mois de décembre 1790 le conseil général de la municipalité de St Pée s'étant assemblé au
lieu ordinaire de ses séances le sieur LOUSTEAU procureur de la commune a dit :
"Messieurs, il n'est rien de plus instant et qui mérite plus notre attention que la dilapidation que l'on fait
journellement dans la forêt commune de la présente paroisse. C'est à nous de choisir les moyens les plus
prompts pour en prévenir l'entière dévastation qui met fin à la cupidité des gens mal intentionnés. C'est dans
cette vue que je m'empresse à développer la cause première. Elle est, on ne peut en disconvenir, due à l'extrême
indulgence des anciens règlements de notre communauté, ce à la négligence des divers personnages connus pour
nos bois. La modicité de l'amende imposée contre les fauteurs n'a peut-être pas contribué à faciliter les moyens
de dévastation.
Vous n'êtes pas, Messieurs, sans savoir que l'abus le plus pernicieux autorisant tout particulier d'aller à la forêt
commune prendre du bois en toute raison met en péril et risques. Vous savez aussi que même avec sa charrette
ou son cheval chargé, pour le garde-bois ou tout autre particulièrement qui peut faire la dénonciation du délit à la
municipalité est à la sortie même des bois communaux exempt du payement des amendes par non règlement.
Cette indulgence est cependant la cause de pertes considérables que nous éprouvons, elles ne seraient peut-être
pas aussi fortes si nos gardes bois remplissaient encore leurs obligations avec exactitudes.
Mais comment s'attendre à les voir remplir? Comment espérer qu'au moyen d'un modique salaire de 40 livres pour
chaque garde bois et la triste perspective de tirer d'une amende qui n'est souvent que de quelques sous que ce garde
bois, dis-je, parcourent journellement chacun dans sa partie tous les coins et recoins d'une forêt immense ?
Vous sentez, Messieurs, combien cette indulgence serait préjudiciables à la conservation de nos bois. Les décrets
de l'assemblée nationale nous en conservent la priorité, non individuellement, mais collectivement jusqu'au partage
qui en pourra peut-être être fait jusqu'alors c'est à nous à veiller à leur conservation, c'est à nous de recourir à MM
les administrateurs du département pour faire approuver certains articles règlementaires que les circonstances me font
un devoir de requérir arrêtant ainsi la dévastation de nos bois et forcer nos gardes bois à remplir fidèlement et avec
exactitude leurs obligations. Il y en a eu sans doute jusqu'à présent quelques uns qui s'en sont fait un vrai devoir, mais
combien d'autres n'y en a-t-il pas eu jusqu'ici qui s'en font un jeu et qui ont regardé leur mission plutôt comme lucrative
qu'obligatoire. Il ne suffit pas que le garde bois soit borné à la prestation d'un serment, il faut qu'il soit surveillé, qu'il
soit dans le cas de justifier son exactitude et qu'en cas d'insurveillance il soit sujet à une amende pécuniaire qui sera
fixée par votre sagesse. Parcourons en effet, Messieurs, les divers comptes de plusieurs exercices qui nous ont précédé
et vous en verrez rejaillir une preuve sensible de mon assertion.
Faisons un dénombrement exact des feux composant notre communauté, nous le verrons se monte à environ 500, et
dans un autre compte de nos prédécesseurs nous n'y verrons porter en ligne de recette. Jamais plus de 250 livres pour
autant de charretées de bois. On pourrait me dire peut-être que la plupart des habitants ont chacun du bois dans leurs
dépendances mais cette réflexion bien loin d'affaiblir mon assertion, elle ne fait que la confirmer.
Le nombre des propriétaires ayant du bois particulier à eux propres, y est beaucoup inférieur à ceux qui n'en ont pas,
dès lors on ne peut douter de vols continuels qu'ils font dans la forêt, à supposer même qu'il ne l'emploie pas dans l'année
dans chaque feu qu'une dizaine de marchands de bois à brûler. Quel vide immense entre la recette effective et l'emploi
nécessaire d'un objet aussi important! Ce ne sera pas moins sensible dans les comptes que l'administration nous demande
de nos revenus fixes et casuels, ainsi que de nos charges locales, car à quelques sommes que nous puissions monter les
revenus casuels de nos bois communaux, la fixation que l'on pourra y établir ne pourra être regardée que comme une
illusion si on la compare à son étendue. Telles sont, Messieurs, les réflexions que m'a dicté l'intérêt général de la
commune et la considération que j'ai cru mettre sous vos yeux.
L'assemblée au Conseil Général de la commune de St Pée, après avoir sincèrement réfléchi sur le réquisitoire du dit
sieur procureur de la commune a délibéré ce qui suit :
1° Qu'il n'y aura désormais que 4 gardes bois dans la paroisse de St Pée, savoir un dans chacun des 4 quartiers qui la
composent en sorte que celui du quartier de Hergaray gardera l'endroit appelé Orçans et celui du quartier d'Ibarron
l'endroit appelé Ouscain.
2° Qu'il sera donné à chaque garde bois un adjoint qui le remplacera en son absence ou d'autres empêchements
légitimes lequel sera sujet aux même formalités de réception, à l'obligation de justifier son exactitude et à la soumission
de l'amende dont il va être ci-après et qui jouira des mêmes prérogatives.
3° Que chaque garde bois et son adjoint avant d'entrer en exercice feront serment devant la municipalité, dont il sera
dressé procès verbal de bien et fidèlement remplir leur mission, qu'il sera obligé de faire preuve de leur vigilance toutes
les fois que la municipalité le requerra et qu'il ne passera pas de jour sans faire la visite de la partie de bois qui lui
sera confiée en sorte qu'ils seront dans le cas de justifier......faite.
4° Et pour plus de sûreté de cette visite journalière, chaque garde bois ou son adjoint sera surveillé par un propriétaire
de son quartier alternativement. Lesquels garde bois ou adjoint et particulier marcheront ensemble ou séparément selon
l'exigence des cas.
5° Que si le garde bois ou son adjoint en l'absence du premier n'est pas en état de prouver par des témoins dignes de
foi qu'il a fait régulièrement et tous les jours la visite de la partie de bois à lui confiée, il sera amandé d'une somme de
30 livres chacun, à laquelle somme l'un et l'autre seront soumis lors de la prestation du serment dont la municipalité
tiendra procès verbal sur le registre et sus sommes versées dans une caisse destinée au besoin urgent de la présente
communauté.
6° Que si le propriétaire surveillant ne se trouve pas au lieu du rendez-vous dans la journée qui lui sera indiquée la veille
par le garde bois pour la remise d'une mission qui lui sera faite, il sera aussi amandé d'une sommes de 12 livres qui suivra
la même destination que ci-dessus et dont la prénomination sera faite sur le rapport du garde bois qui sera tenu de
sermenter n'avoir point vu le propriétaire tenu de faire la visite avec lui.
7° Qu'il sera permis à tout particulier de se faire remplacer toutes les fois que son tour de rôle arrivera pour la visite du
bois de son quartier conjointement avec le dit garde bois ou l'adjoint.
8° Qu'il sera permis à la municipalité de St Pée de se transporter quand elle le jugera à propos de son propre mouvement
et sans aucun rapport dans la maison ou au logis de chaque individu pour visiter s'il peut y avoir du bois volé.
9° Que si le particulier chez qui la visite sera faite ne peut justifier de l'achat du bois que la municipalité aura trouvé chez
lui ou qu'il l'ait coupé dans ses dépendances ou autrement, la municipalité aura le droit de lui imposer une amende de 24
livres qui ne pourra toutefois être diminué et qui sera versée dans la sus dite caisse.
10° Que lorsque le garde bois ou son adjoint aura surpris quelque particulier abattant, volant et transportant du bois
communal chez lui, il se rendra de suite devant la municipalité, y fera sa déclaration précédée néanmoins de son serment
sur lequel il sera cru et la dite municipalité mettra ce particulier à l'amande qui ne pourra être ni plus forte, ni moindre de
24 livres pour chaque contrevention dont la moitié sera adjugée au garde bois ou à l'adjoint, et l'autre moitié remise
comme et l'amande sera marqué pour la caisse sus dite.
11° Que supposé que le particulier amandé n'ait pas compté le montant de son amende dans les 24 heures de la
prononciation qui sera insérée sur le registre, il en sera dressé procès verbal à la réquisition du sieur procureur de la
commune, qu'il enverra de suite au directoire du district, lequel demeurera autorisé à faire emprisonner le délinquant
jusqu'au payement. On le condamnera à 20 jours de manœuvre dans les chemins de la communauté et dans l'endroit qui
lui sera désigné et dans la quantité qui lui sera marqué par la municipalité.
12° Que le trésorier de la municipalité comptera chaque année, quartier par quartier, à chaque garde bois la somme de
100 livres qui ne sera payée qu'au prorata de son exercice et que le surplus sera remis à l'adjoint.
13° Que la présente délibération enfin sera adressée par le sieur procureur de la commune à MM les administrateurs du
directoire du district pour qu'ils veulent bien donner leur avis, l'envoyer au directoire du département afin de pouvoir
l'amener à exécution.
14° Lorsque le garde bois ou son adjoint ou même le particulier qui sera commis à tour de rôle pour la visite du bois,
constatera quelqu'un des habitants transportant du bois volé hors de la paroisse, le délinquant sera condamné à une
amande de la somme de 100 livres et il sera permis aux dits garde bois, adjoint et particulier surveillant de saisir
provisoirement les bœufs, vaches et charrettes servant au transport du dit bois jusqu'au payement de la dite amande
et si cette amande n'est pas payée dans les 48 heures de l'arrestation, permis aussi à la municipalité d'exposer en vente
les dits objets pour el recouvrement de 100 livres dont la moitié reviendra de droit à ceux qui ont surpris le vol et l'autre
moitié dans la sus dite caisse.
Fait et passe les jours et an que dessus présent MM DURONEA maire, JAUREGUI, SOUDRE, MOLERES, DAGUERRE,
officiers municipaux, LOUSTEAU procureur de la commune, DARRETCHE, MARTINENA, BESSONART, BASTRES,
CINQUALBRES, LISSARRAGUE, M. DARAGORRY, DUHART, DARAGORRY l'aîné, certains notables membres formant
la plus grande majorité du Conseil Général de la commune de St Pée et ont ci-signé tous ceux qui le savent avec moi
secrétaire de la municipalité.